Collectif de Réflexion sur l'Inceste et les Maltraitances Systémiques

Hier je suis tombée sur un article (le 500e certainement) sur l’affaire Betharram, ok, j’y apprenais que la fille de François Bayrou allait y témoigner, d’accord, et puis ils ont noté le titre de l’ouvrage : « Le silence de Bétharram : La plus grande affaire de pédophilie jamais révélée en France »

J’ai eu un petit ratement de cœur, et infiniment de peine, et de la colère aussi, pourquoi est-ce que des victimes acceptent cette qualification de leur « affaire », pourquoi laisser comparer, pourquoi laisser hiérarchiser ?

Est-ce que l’affaire de Betharram est « la plus grande » ? Je ne sais pas, sur quels critères se base-t-on ?

Qu’est ce qui fait par exemple de Betharram, une plus grande affaire de pédocriminalité que les affaires Le Scouarnec ?

Est-ce l’institution ? parce qu’il me semble aussi que l’institution est en cause dans les affaires le Scouarnec, que la lâcheté voire l’indifférence de beaucoup sont aussi en cause.

Est-ce l’ampleur ? la violence ? toutes ces raisons ne sont pas vraiment intéressantes, parce qu’il a existé, le Scouarnec : il existe un ouvrage, Riaumont : il existe un ouvrage et un documentaire, La petite Roquette : il existe des articles et un documentaire, les bagnes pour enfants : il existe des documentaires, accessibles, je les ai tous vu, et il y a eu la CIASE, il existe toujours en ligne la soirée de remise du rapport, très digne, très réparateur pour les victimes.

Combien de victimes à Riaumont pendant 60 ans ? (fermé en 2019 les gars, pas en 1960) Combien d’enfants traumatisés à la petite Roquette ? Combien de victimes et de morts dans les bagnes ?

Mais à chaque affaire on a l’impression de redécouvrir l’eau tiède, et puis bon il y a un politique impliqué et il s’avère qu’il est par hasard premier ministre, alors la presse s’emballe, la société aussi, soudain elle performe sa très grande implication et empathie à l’égard des enfants maltraités. (c’te blague)

Ne nous cachons pas derrière le petit doigt de notre « vertu » outragée, nous savons très bien que « la plus grande affaire » prend cette ampleur par récupération politique.

Que la société soit nullissime pour penser les violences faites aux enfants où qu’elles soient et de qui elles viennent, nous avons presque l’habitude, en tout cas, nous n'avons pas bien le choix que de se faire à l’idée.

Mais pourquoi en tant que victime participer à cette course, à ce podium de la plus grande affaire et du plus gros traumatisme.

C’est un très mauvais pari, parce qu’il suffira d’une pichenette, d’un dérapage, d’une facture impayée pour que tout ceci se retourne contre l’ensemble des victimes.

La société hiérarchise oui, car cela lui permet de minimiser tout le reste, tout ce qui l’empêche de dormir et qu’elle veut continuer d’ignorer.

Les comparatifs cela permet de trouver que tout ce qui n’est pas Mazan n’est pas si grave, tout ce qui n’est pas Betharram n’est pas si violent.

Cela permet à tous les agresseurs (surtout dans les familles) de dire aux enfants qu’ils agressent et violentent que ce n’est pas si important.

La hiérarchisation ne reconnait pas et ne répare pas les victimes, elle les met brièvement en lumière, et ne sert que celui ou celle qui hiérarchise, et dessert absolument tous les autres.

Il faut comprendre que la hiérarchisation est un outil de silenciation, pas un outil de reconnaissance, tout ceux qui ne sont pas "au niveau" continueront de se taire, car tous ceux qu’ils auront en face et qui n’auront pas envie d’écouter continueront de minimiser, ignorer, moquer.

En tant que victime, bien que le besoin de reconnaissance soit intarissable et compréhensible, nous devrions lutter contre cela, ne pas se laisser entrainer à mettre de côté tous les autres, parce que l’on souffre et parce qu’on aurait besoin que la société l’entende.

Toutes les victimes souffrent ou ont souffert, infiniment, il n’y a pas de hiérarchie, ni dans la souffrance, ni dans les traumas, ni dans la gestion du trauma, il y a des personnes, des individualités, qui ont été martyrisées, violées, battues, pour tous et toutes, c’est leur plus grande affaire et pour la société, la plus grande affaire, cela devrait être, les violences faites aux enfants, partout et tout le temps.